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12 juin 2024

Apprentissage : du prix au chantier du siècle

 La reconstruction de Notre-Dame, chantier du siècle, a donné une dimension particulière au prix des apprentis attribué en 2022 par la section de la Haute-Vienne à Valentin Pontarolo. Il est en effet l’auteur, avec deux autres jeunes compagnons, d’une reproduction au 20e de la charpente du chœur, du transept et de la flèche de la cathédrale. Depuis, Valentin participe au chantier exceptionnel sur la cathédrale, renouvelant les gestes séculaires des bâtisseurs du Moyen-Âge sur l’édifice sacré.


Le chef-d’œuvre rejoindra peut-être un jour la Galerie des hospices, près de NotreDame, pour saluer la mobilisation de tous ceux qui ont participé, de près ou de loin, au « chantier du siècle », la reconstruction à l’identique de la cathédrale. En attendant, ce premier trimestre 2024, il vous accueillait, dès franchies les portes de la Cité des métiers et des arts, musée des compagnons et des meilleurs ouvriers de France.


Cette reproduction au 20e des charpentes du chœur, du transept et de la flèche, revues par Viollet-Le-Duc au 19e siècle, est née en 2019 au Pays basque, sur le tour de France de trois aspirants, à l’initiative de JeanMichel Hourcade, dit Basque la Ténacité, qui en sera le « gâcheur », ou chef de chantier.

Sous sa direction, à l’instar du travail collectif des bâtisseurs de cathédrale du MoyenÂge, les aspirants, Armand Dumesnil, Yann Férotin et Valentin Pontarollo, se sont atelés à la tâche soir et week-end, après leurs journées de travail, conseillés par trois compagnons, comme c’est ici l’usage, pour transmettre savoir-faire anciens comme techniques nouvelles. Trois ans plus tard, Valentin achevait son tour de France à Limoges, chef-d’œuvre achevé et reçu dans la société compagnonnique comme Bressan la Confiance.

Transmettre et donner à voir, pour mieux donner envie

Valentin ne passera qu’une année à Limoges, mais sera vite remarqué par les responsables compagnonniques, JeanPaul Chapelle et Armand Labarre. Chevilles ouvrières de la fédération en Limousin et au-delà, ils ont vite apprécié la maturité du jeune adulte au sortir de son voyage, ce tour de France qui, témoigne Jean-Paul, « fait l’homme autant et peut-être plus que le professionnel », et la particularité du parcours de formation chez les compagnons, héritage multi-séculaire.
Ils ont accompagné le développement des activités et des formations proposées par les compagnons en Limousin, et porté son projet de musée. Celui qui accueillait encore il y a quelques jours, La forêt de Notre-Dame, thème de l’exposition : transmettre les savoir-faire, mais aussi donner à voir ses plus belles réalisations, pour mieux donner envie aux plus jeunes de suivre les traces de leurs aînés. 

 Aussi, lorsque la section de la Haute-Vienne de la SMLH évoque sa participation au prix national de l'apprentissage pour désigner un jeune apprenti venant de terminer son tour de France, Jean-Paul et Armand, tous les deux membres de la section, proposent Valentin. « La réalisation de son chefd’œuvre, avec deux autres jeunes, sous la direction bienveillante de leurs anciens, est très représentative des valeurs à l’œuvre chez les compagnons, de la solidarité qui y règne comme de démarche de transmission  qui est notre raison d’être », précise Jean-Paul Chapelle.

Opportunité et reconnaissance

La proposition emporte vite l’adhésion. Armand Labarre l’assure, « l’attribution du prix au jeune compagnon était une réelle opportunité : son chef-d’œuvre, déjà réalisé, avait pour objet un élément du chantier du siècle, et nous savions que Valentin allait y travailler. Et quelle meilleure reconnaissance pour rejoindre le prix national de l'apprentissage de la SMLH avec un lauréat issu d’une des meilleures filières françaises d’excellence ! »

François Bonnaud, président de la section à l’époque, replace la décision dans son contexte : « en 2020, notre section avait entrepris d’aider les étudiants à se nourrir pendant les confinements qui empêchaient les plus modestes de travailler. Une fois cet épisode exceptionnel derrière nous, nous avons souhaité récompenser chaque année un apprenti, dans l’esprit du projet associatif de la SMLH, et rejoindre le “cursus honorum”, en quelque sorte, du prix national des apprentis. » Et de confirmer que « récompenser Valentin, jeune compagnon charpentier qui venait de terminer son chef-d’œuvre sur un élément de charpente de Notre-Dame et travaillait sur le chantier de la cathédrale, nous est effectivement apparu une excellente idée pour lancer notre participation au prix national de l'apprentissage. Il reste qu’en 2023, nous sommes allés vers une autre filière de l’apprentissage, en décernant le prix à Laura Vergnolles, en BP carrelage au CFA Le Moulin Rabaud à Limoges. Comme Valentin l’année précédente au Palais des Papes en Avignon, elle représentait le département de la Haute-Vienne lors de la cérémonie nationale à La Seine musicale, en octobre dernier. » Ainsi la section poursuit-elle son action en faveur de l’apprentissage. La suite à l’automne.

Un duo de bâtisseurs

Jean-Paul Chapelle et Armand Labarre ont la particularité d’être nés à quelques kilomètres l’un de l’autre dans le nord de la Haute-Vienne, et d'avoir fréquenté les mêmes bancs d’école. Tous deux compagnons, JeanPaul devient responsable de l’étape limougeaude des compagnons du tour de France dans les années 1970. Président de la Fédération régionale compagnonnique, puis de la Confédération nationale, il ne tarde pas à être rejoint par Armand, qui prend les fonctions de directeur. Ensemble, ils développent l’offre de formation, du CAP à la licence pro, à côté de l’accueil traditionnel des aspirants, dont ils améliorent l’infrastructure, en particulier l’hôtellerie et la restauration.

Puis ils porteront le projet de musée au cœur des jardins de l’Évêché de Limoges, réhabilitant au passage l’ancienne chapelle de l’abbaye bénédictine de la règle et ses souterrains. Jean-Paul Chapelle (2016) et Armand Labarre (2018) sont chevaliers de la Légion d’honneur

La fierté de Valentin, dit Bressan la confiance

Valentin Pontarolo, dit Bressan la Confiance, en réalisant avec deux autres aspirants son chef-d’œuvre, était loin de se douter devenir un jour lauréat 2022 du Prix national de l'apprentissage pour la Haute-Vienne : « Jean-Paul Chapelle avait beaucoup insisté pour que je fasse acte de candidature, ce que j’ai fait. J’étais alors très surpris que la SMLH s’intéresse à l’apprentissage. Mais je suis particulièrement honoré et fier d’avoir été choisi par le jury de la Société des membres de la Légion d’honneur, une institution qui œuvre au bien commun, tout comme le font, à leur manière, les compagnons, en préservant et continuant à transmettre les savoir-faire traditionnels ». Valentin et la SMLH auraient donc été faits pour se rencontrer ? Peut-être…

Originaire de Bourg-en-Bresse dans l’Ain, familier de l’atelier de menuiserie d’un grand-père, et accompagnant l’autre couper du bois en forêt, Valentin avait commencé une école d’ingénieur, avant de se tourner vers un plus concret CAP de charpentier auprès de la fédération compagnonnique de Lyon.

"Un truc de passionné"

Repéré par l’un de ses formateurs, il est invité à entrer en itinérance pour aller plus loin. Il relève le défi. À partir de 2017, le voilà aspirant, entre Nantes, Saint-Girons et Anglet. Les 15 et 16 avril 2019, Notre-Dame brûle. Il ne le sait pas encore, mais le sinistre va décider du chef-d’œuvre de l’aspirant, qui rejoint le projet collectif dédié, sous la direction du basque Jean-Michel Hourcade.

Valentin est reçu compagnon en mars 2020, et poursuit son itinérance : Nantes en 2020-2021, où il travaille aux ateliers Perrault, puis Limoges en 2021-2022, où son travail est remarqué comme l’on sait. Lui connaît déjà sa prochaine destination, le chantier de Notre-Dame, à partir de 2023, où il rejoint l’équipe… des ateliers Perrault, qui a emporté l’un des appels d’offre pour la réalisation de la charpente. Il y affirme son goût pour la réalisation de charpente traditionnelle, les techniques ancestrales d’équarrissage à la hache, « un truc de passionné ».

Cette passion, il va continuer à la vivre. Il vient de créer son entreprise, pour proposer la réalisation de charpente apparente et bois brut. Un chantier à Roquebrune-sur-Argens, dans le Var, l’attend déjà. Plus tard, une fois son activité bien installée, il transmettra ce savoir-faire traditionnel, presque oublié par la plupart, à de plus jeunes. « Ça me tient à cœur, c’est aussi comme cela que, compagnon, on travaille au bien-être de la société, comme Jean-Paul a pu le faire, en accompagnant des jeunes pendant des décennies », rappelle Valentin, visiblement admiratif de son aîné.

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